
Commerce — Galeries Lafayette
Shein, symbole d’un modèle qui dérange jusque dans nos Galeries
La SGM, la société des grands magasins, vient d’annoncer que la marque Shein, l’une des principales plateformes d’e-commerce de mode, aurait son propre stand aux Galeries Lafayette de Grenoble, ainsi que dans cinq autres grands magasins en France, à Paris, Dijon, ou encore Reims. À Grenoble, la nouvelle suscite quelques interrogations.
À l’heure où la mode ultra-rapide s’immisce dans les vitrines les plus prestigieuses, l’arrivée de Shein aux Galeries Lafayette à Grenoble cristallise les tensions entre pratiques commerciales et valeurs locales. Dans un même souffle, la Métropole et les services publics ouvrent sans détour la voie à une communication assumée pour cette enseigne, suscitant une double interrogation : jusqu’où le secteur public doit-il accompagner un modèle économique contesté, et quel avenir pour les commerces de proximité ?
Entre la pression sur les acteurs locaux, les enjeux écologiques, le pouvoir d'achat et les responsabilités du service public, il est temps de débattre d’un modèle de consommation qui façonne aussi notre territoire suite à cet article publié dans le Dauphiné libéré.
Article du DL — L’arrivée de Shein aux Galeries Lafayette ne fait pas l’unanimité
La SGM, la société des grands magasins, vient d’annoncer que la marque Shein, l’une des principales plateformes d’e-commerce de mode, aurait son propre stand aux Galeries Lafayette de Grenoble, ainsi que dans cinq autres grands magasins en France, à Paris, Dijon, ou encore Reims. À Grenoble, la nouvelle suscite quelques interrogations.
Isaline n’en revient toujours pas. « C’est fou qu’ils aient décidé d’ouvrir un stand Shein aux Galeries. Cela détonne avec les autres marques, cela n’a rien à faire là », estime la jeune fille de 21 ans. « Ils veulent mélanger la fast-fashion et le luxe », ajoute-t-elle, un sourire incrédule sur les lèvres. Fast-fashion, un anglicisme que l’on peut traduire en français par “mode éphémère” ou “mode express”, impliquant des prix très bas, et une incitation à la consommation.
Grégoire, 27 ans, partage l’avis d’Isaline. Il lui arrive, « une ou deux fois par an » d’y effectuer quelques achats. La nouvelle ne le laisse pas indifférent. « Les Galeries sont tombées bien bas », lâche-t-il d’emblée, les sourcils froncés. « Les Galeries ont cette image premium, qui ne colle pas avec l’image de Shein. Une collaboration avec Primark, H & M ou encore Zara, j’aurais compris. Mais là… », lâche-t-il en hochant la tête.
« Les Galeries ont toujours été réservés aux personnes aisées »
Pour Reine, 55 ans, le problème est ailleurs. « J’aurais préféré que l’on mette en avant le made in France », justifie-t-elle. La question de l’éthique est également mise en avant. « Écologiquement parlant, c’est inadmissible. Comment est-ce possible de mettre en avant une marque aussi peu soucieuse de l’environnement ? Et concernant les travailleurs ? » questionne-t-elle.
Finalement, Farrah, 26 ans, semble être plus partagée. « D’un côté je comprends que l’arrivée de Shein puisse faire bondir tant de monde. Mais moi, je me dis que les magasins comme Les Galeries ont toujours été réservés aux personnes aisées, bourgeoises. La présence de Shein pourra faire venir celles et ceux qui ne fréquentent pas d’ordinaire Les Galeries Lafayette. »
Lés élus locaux montent au créneau
Les élus locaux aussi s’emparent du sujet, entre indignation écologique, préoccupations sociales et défense du commerce de proximité.Sandrine CHAIX, vice-présidente (centre droite) de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, se dit partagée : « L’arrivée d’une boutique Shein à Grenoble, alors que les commerçants grenoblois souffrent, peut évidemment nous questionner. Mais je fais beaucoup de porte-à-porte en ce moment et je vois que, pour des gens qui ont peu de moyens, c’est parfois le seul moyen d’avoir accès à de la mode un peu branchée. Comment leur en vouloir ? »
Elle poursuit : « D’un autre côté, cette marque coche toutes les mauvaises cases : une mode jetable, portée une ou deux fois, un impact environnemental désastreux… C’est juste désolant. »
Lionel Coiffard, vice-président (Les Écologistes) de Grenoble-Alpes Métropole, en charge des déchets, déplore quant à lui les conséquences très concrètes de ce modèle économique : « Que Shein ait pignon sur rue à Grenoble ne change pas fondamentalement le volume de textile que l’on doit traiter, tant les achats explosent déjà en ligne. Mais c’est une vitrine pour une compagnie que rien ne semble freiner. Il faut que les consommateurs comprennent qu’ils paient la différence, et même davantage, ensuite. Une tonne de déchets incinérés coûte 100 euros aux collectivités. Et les volumes explosent. C’est de l’argent public qui part en fumée, au sens propre. »
Alan Confesson, adjoint (élu LFI) au maire de Grenoble en charge du commerce, rappelle que la Ville n’a aucun pouvoir d’action direct sur ce projet : « Il n’y a pas de permis de construire, pas de certificat d’urbanisme. Si le projet va au bout, la boutique sera installée dans les Galeries Lafayette. Pour l’instant, nous ne pouvons que soutenir la direction du magasin, qui s’est opposée à cette décision de la Société des grands magasins, la foncière qui détient les murs. »
Il souligne cependant un positionnement clair : « À la Ville, notre avis est très contrasté sur Shein. C’est une enseigne d’ultra fast-fashion qui génère des tonnes de déchets non recyclables. La Croix-Rouge elle-même a alerté sur la saturation de ses points de collecte. Elle a aussi été épinglée par un rapport récent de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques, NDLR] pour ses manquements sur les droits humains et l’environnement. »
Même ligne pour Margot Belair, élue écologiste grenobloise : « C’est une très mauvaise surprise. C’est une catastrophe écologique, dans un secteur déjà responsable de 4 à 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’ultra fast fashion est une industrie écocide. Elle repose aussi sur des conditions de travail indignes, sans respect des droits humains. » Et de conclure : « Cela va à l’encontre des attentes de la population, affaiblit le commerce local, le réemploi et toute l’économie circulaire. »
Shein sur les bus de Grenoble : une provocation de plus ?
En juillet déjà, la marque d’ultra fast-fashion avait déjà fait parler d’elle à Grenoble. En effet, de la publicité était apparue sur les bus de M Tag, au grand dam d’élus dans la foulée de du Post de Sandrine CHAIX de tout bord qui avaient pointé cette aberration économique et environnementale, alors que le bilan carbone de Shein a été évalué à 15 000 à 20 000 tonnes de CO2 émises…par jour ! Soit, annualisé, l’équivalent de 3,5 millions de véhicules…
La publicité, s’était défendu M Tag, « a été confiée à un prestataire lors d’une passation de marché. Le contrat prévoit que les espaces publicitaires doivent être vendus en majorité (plus de 60 %) à des annonceurs privés basés en Isère ou en Auvergne-Rhône-Alpes. M Tag n’a pas été consulté en amont pour cette campagne pour Shein. »
Le Dauphiné
Ève Moulinnier
2 octobre 2025
Lieu : Galeries Lafayette
